Le 8 avril 2019 L’aventure du « Foyer d’Excellence Bilingue » destiné aux lycéens des archipels lointains de la Polynésie a démarré en 2015. La mission de l’association Oti’a ‘Ore est de soutenir des lycéens motivés et ambitieux des 5 archipels, qui sont pénalisés par l’éloignement et le manque d’encadrement durant leur scolarité loin de leurs familles. Son caractère d’excellence vient du fait qu’il va à la recherche de jeunes ayant des motivations, des capacités et des personnalités qui ne peuvent pas forcément se révéler dans le cursus scolaire traditionnel, le but étant de les préparer à devenir des citoyens et potentiels dirigeants bienveillants, intègres et entreprenants. Suite à notre expérience dans l’éducation et dans un internat à l’international, notre foyer d’excellence a pour but d’offrir une école de vie propice au développement personnel, d’estime et de confiance en soi, ainsi que de compétences en savoir-être, telles que l’exemplarité, la responsabilité, l’agilité , l’engagement, le partage, et la capacité d’initiative, de créativité, de collaboration, de résolution de conflits. Notre encadrement multilingue est assuré par des enseignants qualifiés, dévoués et sélectionnés pour leur parcours personnel et professionnel. Nos deux enseignants anglophones bénévoles pour l’année scolaire 2018-2019 ont enseigné aux Etats-Unis, aux Caraïbes, en Europe et en Afrique; nous-mêmes, porteurs de projets, avons enseigné dans des écoles internationales dans plusieurs pays. Notre but était de garder notre indépendance en construisant un projet sans l’aide ou les fonds publics. Malheureusement nous nous sommes vite rendus compte qu’en Polynésie Française, la tâche est trop ardue pour opérer un projet d’éducation comme le nôtre sans l’appui de l’administration et des pouvoirs publics. Les entraves, difficultés et protocoles administratifs reliés aux relations avec les autorités publiques sont nombreux et complexes, malgré la nature bénévole, socio-éducative et d’intérêt public de notre mission. Nous avons failli jeté l’éponge à trois reprises. Par exemple, pour prendre le téléphone et contacter le principal d’un collège afin de pouvoir identifier les élèves de leur établissement qui ont la niaque, il est nécessaire d’obtenir un agrément de la DGEE. Il a fallu presqu’une année pour obtenir ce document de moins d’une demi-page. Chaque action ou intervention s’est avérée être un travail de titan, impliquant la constitution d’un dossier, la nécessité d’obtenir un agrément ou une convention, qui impliquent à leur tour des batailles face à une administration peu réactive, quand bien même c’est pour le bien-être des élèves. Toutefois, et alors que nous étions prêts à abandonner le projet en 2018, la récompense de lauréat au concours d’innovation des Assises des Outre-Mer, avec le soutien de quelques autorités visionnaires, nous a donné un nouvel élan d’espoir, et le courage de nous accrocher. En effet, le prix consistait en une rémunération de 10.000 euros, avec surtout, le soutien de l’Etat pendant un an pour aider à concrétiser le projet. Pour rappel, ce concours d’innovation lancé par le gouvernement à Paris se veut de construire l’avenir des pays ultra-marins au travers de projets citoyens: une belle initiative qui permet aux habitants des Outremer de contribuer à trouver des solutions à des problèmes spécifiques sur leur propre territoire. Le projet de Foyer d’Excellence Bilingue a été choisi parmi 850 projets; seulement 2 projets ont été retenus pour la Polynésie. Suite à cette récompense le 20 septembre dernier à Paris, Mme Annick Girardin et M. Teva Rohfritsch ont exprimé leur appui dans leurs discours. Après la ‘labellisation’ du projet, les choses ont effectivement bougé rapidement. Entre Octobre et Décembre 2018, plusieurs réunions chez le Haut-Commissaire et le Ministère de l’Education et de l’Enseignement ont fait évoluer le projet: le Haut-Commissaire et la Ministre de l’Education ont montré leur soutien pour la construction d’un foyer d’excellence bilingue de 100 lits dans la Commune de Taputapuatea à Raiatea (nous avons actuellement une structure de 10 lits à Punaauia), sous l’impulsion de M. le Maire Thomas Moutame. Mais voilà qu’à peine 6 mois après la remise des prix du concours d’innovation des Assises des Outremer, nous assistons à un revirement de situation, à un désengagement de l’Etat. Lors de notre dernière réunion du 1er Avril chez le Haut-Commissaire, le Vice-Recteur et la Direction de l’Education nous ont annoncé que notre projet n’avait ‘rien de nouveau’, que les milliards ou nombreux millions de francs de l’Education Nationale étaient réservés à d’autres projets plus importants et prioritaires, et par conséquent, ils ne soutiendront même pas une partie du coût d’hébergement de 6 lycéens boursiers de notre foyer. Pour information, vu l’absence de salaires grâce au travail bénévole des 4 enseignants résidents, le coût d’hébergement actuel de notre foyer de 10 lits est évalué à XPF 3 millions par an, pour un programme initial d’hébergement réduit aux weekends et petites vacances. Cette dernière réunion nous a donc fait clairement comprendre que notre projet ne rentre pas dans les objectifs actuels de l’Etat ou du Pays, qu’ils sont eux-même en mesure d’innover et qu’ils n’ont donc pas besoin ni de nous, ni de ce projet. Même si nous avions les moyens de subvenir à ces coûts avec des fonds exclusivement privés, l’attitude, les difficultés et le manque de volonté, de vision et d’intérêt à collaborer des décideurs de l’Education Nationale est déroutante. La nouvelle prise de position des autorités en Polynésie envers ce projet, pourtant primé, est choquante pour les représentants de l’Association Oti’a ‘Ore. Le concours et la récompense des Assises des Outremer ne seraient-ils qu’une farce? Après consultation avec les bénévoles actifs de l’association, nous avons ainsi établi que si les décideurs de la Polynésie ne portent pas d’intérêt à ce projet de service public, nous ne nous entêterons pas à y consacrer notre temps, notre sueur, ainsi que nos ressources personnelles et financières. En ce qui nous concerne, fondateurs de l’association, nous sommes encore dans la force de notre profession d’éducateurs. Nous avons eu, et avons des opportunités professionnelles auxquelles nous avons renoncé pour construire ce foyer d’excellence bilingue: nous comptons aujourd’hui les poursuivre. C’est donc avec déception, regrets, colère, mais bonne conscience que nous avons décidé de mettre le foyer d’excellence en veille pour prendre du recul. Après 4 années de bénévolat dédié au projet à temps complet, un sentiment profond d’impuissance nous submerge face à des dinosaures. Pour l’heure, nous ressentons le besoin de nous ressourcer, de replonger dans une sphère éducative plus dynamique, et de reconstituer le capital financier que nous avons dépensé pour ce projet. Certes, l’engagement et le désengagement des autorités de la Polynésie et de la France nous ont fait perdre du temps, de l’énergie et de l’argent. Toutefois, nous restons sensibles à la cause des lycéens polynésiens qui ont la niaque et qui sont pénalisés par la distance et le manque de soutien de leurs milieux. Nous croyons toujours pouvoir être des catalyseurs d’une nouvelle génération de leaders polynésiens. Nous espérons qu’un jour, les décideurs de la Polynésie et de la France partageront cette vision et qu’ils pourront collaborer et mettre les moyens nécessaires pour pallier les besoins de nos jeunes polynésiens ambitieux des archipels éloignés. Pour finir, nous tenons à remercier les nombreux supporters qui nous ont soutenus, encouragés et permis de remporter le prix des Assises des Outremer. Nous remercions également les élèves et les familles pour leur confiance; nous sommes consternés de ne pas pouvoir leur donner cette opportunité suite à ce revirement de situation. Nous avons une reconnaissance particulière pour tous les bénévoles qui ont participé au développement du projet, ainsi que les quelques représentants publics qui sont sortis de leur cadre et confort habituel pour aider à le concrétiser (ils sauront se reconnaître). Nous espérons qu’avec du recul, nous pourrons peut-être retrouver un nouvel élan pour reprendre et poursuivre ce que nous avons construit. Bien cordialement, Melissa Gygax Présidente, Association Oti’a ‘Ore - Transitions Sans Frontières
2018 / 12: Deuxième rencontre avec M. le Haut Commissaire de la République en Polynésie Française, Mme Christelle Lehartel, Ministre de l’Education, M.Thomas Moutame, Maire de Taputapuatea et Mme Armelle Masse, Maire Déléguée de Puohine. Une étape prometteuse.
2018 / 10: Oti'a Ore reçu par le Haut Commissaire de la République en Polynésie Française. Discussions enrichissantes sur les prochaines étapes du projet.